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La profession de généalogiste successoral aujourd’hui et demain

Civil - Personnes et famille/patrimoine
03/12/2020
Lors de sa dernière assemblée générale, l’organisation représentative des généalogistes professionnels, Généalogistes de France, a élu Cédric Dolain en qualité de Président, pour succéder à Antoine Djikpa. Nouvelle présidence et nouvelle gouvernance. Profession à dimension sociale et humaine, proximité avec le notaire, autoréglementation et impact de la crise sanitaire, le point avec Cédric Dolain.
ENTRETIEN AVEC Cédric Dolain, Président de Généalogistes de France
 
 
Revue Lamy Droit civil : La profession de généalogiste successoral reste assez méconnue. Pouvez-vous nous rappeler toute l’utilité de l’intervention de cet enquêteur bien particulier ?
 
L’utilité du généalogiste successoral est tout d’abord sociale. Grâce à un important travail de recherches et d’enquêtes, qui le mène souvent à l’étranger, le généalogiste permet de résoudre les cas de dévolutions successorales inconnues, incomplètes ou incertaines, au bénéfice des héritiers.  Le généalogiste successoral engage sa responsabilité juridique et financière sur le résultat de ces recherches.
 
Au-delà, le généalogiste successoral se révèle également un acteur important lors du règlement des successions lorsqu’il est mandataire des ayants-droit retrouvés. Il est alors l’interlocuteur commun du notaire et des autres professionnels susceptibles d’intervenir (commissaires-priseurs, professionnels de l'immobilier, etc.). Ses démarches, et parfois l’avance des sommes nécessaires, permettent régulièrement de préserver les actifs en jeu et de faciliter leur liquidation au profit des héritiers.
 
Plus largement, le généalogiste successoral permet de retracer les histoires familiales en apportant parfois des réponses à des questions longtemps laissées en suspens. Au-delà de son utilité sociale, il y a donc une vraie dimension humaine dans ce métier.
 
RLDC : Généalogistes de France fédère plus de 90% de la profession, une belle performance ; quelles sont ses missions ?
 
Depuis sa création en 2004, Généalogistes de France a pour mission de défendre et de représenter la profession, tout en apportant les meilleurs services et garanties aux héritiers comme aux prescripteurs. Actuellement, Généalogistes de France regroupe plus de 90% de la profession, soit une centaine d’entreprises de toutes tailles. Le rôle fédérateur de Généalogistes de France comme le travail d’autoréglementation, via la mise en place de garanties régulièrement renforcées, sont également saluées par les pouvoirs publics1
 
RLDC : En vertu de l’article 36 de la loi du 23 juin 2006 sur les successions, le généalogiste doit préalablement être mandaté « par toute personne ayant un intérêt à agir ». Le notaire est votre partenaire privilégié ; comment les deux professions s’organisent-elles ?
Les liens entre nos deux professions sont forts et historiques. Ils tiennent à nos missions respectives mais aussi à une culture, une vision et des enjeux communs. Cette collaboration se concrétise par 15 000 dossiers traités chaque année (soit 3% des successions), qui nous conduisent à identifier 150 000 héritiers et à leur restituer 350 millions d’euros. Ce nouveau mandat sera, je l’espère, l’occasion d’un dialogue renforcé avec le Conseil supérieur du Notariat, qui vient également de renouveler ses instances. J’espère d’ailleurs avoir l’occasion de rencontrer très rapidement son nouveau président, Me David Ambrosiano.
 
RLDC : Quels sont vos autres prescripteurs ?
 
Les généalogistes successoraux peuvent être sollicités également par des particuliers qui souhaitent identifier les ayants-droit de parcelles abandonnées depuis de longues années, par des syndics de copropriété confrontés à des charges impayées du fait du décès d’un propriétaire dont la succession n’est pas réglée, ou encore par des collectivités publiques, notamment dans le cadre des dispositions sur les biens vacants et sans maître.
 
Nos champs d’action gagneraient à être encore étendus, par exemple sur le volet de la déshérence. Le bilan très incomplet de la Loi Eckert du 13 juin 2014 est en grande partie dû au faible recours aux généalogistes professionnels. Environ 5 milliards d’euros ont ainsi été transférés à la Caisse des dépôts et consignation au motif de vaines recherches par les compagnies d’assurance ou par les agents privés de recherche. Ce constat a conduit plusieurs parlementaires à proposer une expérimentation visant à confier aux généalogistes successoraux certains de ces dossiers afin d’établir si les recherches avaient été bien menées et favoriser ainsi des restitutions plus importantes.
 
RLDC : C’est le contrat de révélation de succession – soumis aux articles L. 121-21 du Code de la consommation – qui va organiser les relations entre le généalogiste et l’héritier. Comment le généalogiste peut-il instaurer le lien de confiance avec l’héritier ?
 
Il est essentiel d’établir un lien de confiance avec les personnes que nous identifions. D’un point de vue contractuel évidemment, car un engagement suppose un travail préalable d’explications tant sur la nature de notre mission, ses modalités, son coût, que sur les garanties qui sont liées à notre intervention.
 
Dans les cas, très peu nombreux, où l’héritier conteste les modalités de cette intervention, ce dernier peut faire appel au médiateur de la consommation pour la généalogie professionnelle. En 2018, seules 30 procédures de médiation en été ouvertes, et parmi elles, 80 % ont pu être résolues à l’amiable. Ainsi, dans l’extrême majorité des cas, les 150 000 héritiers identifiés chaque année grâce au travail des généalogistes professionnels sont très satisfaits de l’intervention du généalogiste.
 
Le nombre de contentieux entre héritiers et généalogistes, tout aussi faible (moins de 50 sur plus de 15 000 dossiers traités chaque année), confirme que ces relations sont tout à fait apaisées.
 
RLDC : Son activité reste peu réglementée ; ce qui suscite des débats. Plusieurs propositions de loi récentes2 visent à davantage encadrer le mode fonctionnement de la profession. Pour autant, la profession renforce toujours plus son autoréglementation3. Quel cap tenez-vous sur ce sujet, quels sont vos projets ?
 
L’équipe renouvelée en septembre dernier inscrit son action dans la continuité de l’important travail effectué ces dernières années sur l’autoréglementation de la profession en poursuivant l’amélioration des garanties apportées aux ayants-droit, aux notaires et aux autres prescripteurs qui nous accordent leur confiance, en lien avec les pouvoirs publics. Parmi nos autres projets, au-delà de ce travail renouvelé sur nos garanties, figure une réflexion autour des questions déontologiques, par exemple sur les relations d’affaires entre notaires et généalogistes. Nous voulons avoir une vision très objective de cette question et allons donc missionner une personnalité à la légitimité et l’objectivité incontestables qui pourra dresser un état des lieux et éventuellement formuler des recommandations.
 
RLDC : Quels sont les impacts du confinement sur votre activité ?
 
Nos membres (de la petite entreprise individuelle aux PME plus importantes) se sont tous organisés afin d’être en mesure de répondre efficacement à cette crise totalement inédite. Le confinement a un impact très important sur notre activité qui nécessite de nombreux déplacements, en France mais également à l’étranger. Entre mi-mars et mi-mai, nous avons globalement été empêchés de travailler. Nos principaux prescripteurs, dont les notaires, ont évidemment été impactés par la crise, et le nombre de dossiers transmis aux généalogistes a été largement réduit par rapport aux années précédentes. Pour les dossiers qui nous étaient transmis, nous avions des difficultés à consulter nos sources traditionnelles, comme l’état-civil : nous ne pouvions pas nous rendre dans les services d’archives ou dans les Tribunaux Judicaires.
 
Nous avions, dans certains cas, des accès dématérialisés à des documents d’archives, par exemple dans le cadre de notre convention avec l’ADSN qui nous permet de consulter le Fichier central des dispositions de dernière volonté, mais ces accès étaient très rares et ne permettaient pas de maintenir une activité normale de recherche. Enfin, pour les ayants-droit identifiés, le confinement et la crise sanitaire rendaient la prise de contact presque impossible.

Lors de ce second confinement, la plupart des études de notaires restent ouvertes. Nous avons obtenu auprès du ministère de la Culture et avec l’aide du Service interministériel des Archives de France (SIAF) un accès exceptionnel aux centres d’archives départementaux, qui demeurent fermés au public.
 
Plus largement, cette période de crise exceptionnelle a mis en lumière l’importance des politiques de dématérialisation (notamment de l’état-civil) menées au niveau national, comme au niveau des services d’archives. Une possibilité pourrait être, pour les généalogistes, de pouvoir consulter l’état-civil de manière dématérialisée à partir du moment où ils auraient une autorisation délivrée par le SIAF et le Parquet de Paris, sur des interfaces sécurisées et accessibles seulement par eux, soit via un serveur totalement dématérialisé soit via des salles qui leur seraient dédiées. Nous allons aborder ce sujet avec les nouveaux exécutifs locaux car nous pensons qu’il est important de tirer les leçons de cette crise.
 
Propos recueillis par Sylvie de ROUMEFORT
 
 
Rép. min. à QE n° 10514, J.-M. Vanlerenberghe, JO Sénat, 26 déc. 2019, p. 6407.
Doc. AN, prop. loi n° 1784, relative à la saisine et la contractualisation des cabinets de généalogie successorale 20 mars 2019. Doc. AN, prop. loi n° 3309, relative à la recherche d’héritiers , 15 sept. 2020. Rapport du médiateur de la consommation pour la généalogie professionnelle, G. Gaucher, juin 2019.
Rapport du médiateur de la consommation pour la généalogie professionnelle, G. Gaucher, juin 2019.
Source : Actualités du droit